• Histoire du CIDRE par David

    Je l’avoue, j’en ai bu, et souvent avec grand plaisir, mais je n’ai jamais porté un intérêt un tant soit peu « sérieux » à ce produit. Je viens de réaliser que j’ai eu tort car le monde du cidre et riche et fascinant : peut-être pas autant que celui du vin, mais il faut néanmoins s’y attarder.

    buvez_cidreencore une belle affiche qui serait interdite aujourd’hui par les cons

    Si on regarde les choses en face, le cidre présente plusieurs points communs avec le vin. Il s’agit d’une boisson alcoolisée, fait avec un fruit dont le jus est transformé par l’action de levures. Même s’il est consommé jeune la plupart du temps, il peut parfois se conserver, aidé en cela par sa combinaison entre tanins, acides et la présence assez généralisé de CO2. Son faible degré d’alcool (théoriquement entre 2 et 8%, mais très souvent entre 4 et 5 %) ne l’aide peut-être pas dans ce domaine mais les variations entre les saveurs et équilibres de différents cidres doivent autant à des variations entre les sites agricoles, les variétés de pommes et les techniques de transformation que dans le cas d’un vin, bien que les climats des régions de production soient moins variables.

    cidre

    Le cidre existe depuis longtemps. Pas autant que le vin mais on trouve des références à des boissons « aigres » fabriquées à partir des pommes dans des textes de Pline ou de Strabon. Vu les climats, généralement plus septentrionaux que pour le raisin, propices à la production de la pomme, les premières références au cidre se trouvent en France en langue d’oil et datent du 12ème siècle, mais on trouve aussi de références à ce type de boisson en Suède au 10ème siècle, puis en Angleterre et au Danemark, également au 12ème.  Encore une fois, le vin l’avait bien précédé, mais partant de la Méditerranée, tandis que la culture cidricole semble bien plus une affaire sous influence atlantique ou nordique. Quant à sa consommation, lors des années de disette en matière de vin, on buvait du cidre au Moyen Age en France, situant ainsi cette boisson plus bas dans l’échelle de la valeur accordé aux produits, chose qui trouve son reflet encore aujourd’hui car les cidres peinent à dépasser un prix de 4 euros à la vente. Par endroits le cidre se situait au niveau de la bière dans cette échelle de valeurs, parfois entre la bière et le vin, mais tout cela était variable selon le lieu et le moment. Les techniques de transformation ont été affinées au 16ème siècle, au Pays d’Auge en Normandie, mais bon nombre de variétés de pommes semblent avoir leur origine au pays basque : encore un point commun avec le vin et des variétés de raisins.

    récoltes de pommes

    J’ai participé à une dégustation d’un vingtaine de cidres (et deux poirés) la semaine dernière sur invitation de la filière cidricole et j’ai trouvé cet exercice passionnante. D’abord j’ai appris plein de choses sur l’élaboration et ses contraintes, mais aussi sur les références gustatives et la gamme de saveurs possibles entre différentes origines, types de pommes et techniques de transformation. Une des surprises pour moi a été l’importance de l’amertume dans les cidres. L’acidité, je m’y attendais un peu. Cet élément amer est plus ou moins gommé par du sucre résiduel dans les cidres doux, mais est toujours présent, et parfois bien marqué, dans les bruts et demi-secs, et même dans certains doux. Associé à de l’acidité, il constitue même la colonne vertébrale du cidre, particulièrement dans des régions comme le Cotentin. On voit bien là l’importance de la culture locale dans le domaine du goût, car le cidre, sauf quelques exceptions, voyage peu et se trouve surtout consommé dans et autour de sa région de production.

    pressoir à pommes

    De cette géo-localisation du goût dans le domaine du cidre J’ai des souvenirs personnels du cidre très sec du comté de Devon, dans l’ouest de l’Angleterre. Ce cidre est souvent  bu dans les pubs, tiré directement du tonneau et appelé localement « scrumpy« . Il m’a valu quelques déconvenues lors d’une marche forcée quand j’étais cadet militaire pendant mes années scolaires et notre platoon devait rejoindre un point désigné en navigant par carte et boussole. Il faisait chaud et nous nous sommes arrêtés dans un pub pour nous désaltérer avec 2 pints de cidre. L’effet sur nos jeunes estomacs vides était radical et notre capacité de lire les cartes et marcher vite et dans la bonne direction sérieusement entamé par la suite.

    20080718pommes

    cherchez celle qui n’est pas une pomme

    Une cinquantaine de variétés de pommes est utilisée en France pour l’élaboration du cidre, très rarement en faisant appel à une seule variété à la fois. Il s’agit, comme pour le raisin et le vin, de variétés différentes de celles que nous mangeons. La pomme ayant une chaire très ferme, il faut la broyer avant de la presser et extraire le jus, qui est riche en phénols et relativement peu sucré. Cette fermeté aide à rendre la pomme résistant pendant la récolte et le transport, tandis que la nature du jus ralentit le fermentation qui peut durer trois mois et ne produit qu’une faible part d’alcool. A ma surprise, on n’utilise que des levures indigènes car la sélection de souches de levure est en retard par rapport au vin  et, jusqu’à présent, les souches essayées jusqu’à présent dominant trop le goût du cidre. Mais toutes ces souches naturellement présentes dans les champs et les chais ne sont pas bonnes ; la famille des brettanomycess’y trouve comme pour le vin et j’ai dégusté au moins un cidre qui en était sérieusement affecté. En effet, des Ph faibles et une bonne dose de phénols dans le moût constituent un terrain favorable à leur développement. Les techniques de pressurages varient aussi pas mal, en partie en fonction de la taille de l’entreprise.

    cidre_mousseuxsi seulement les étiquettes modernes de cidre avaient ce cachet un peu vieillot mais élégant, ou même un brin de créativité graphique

    On pense à la Bretagne et à la Normandie comme étant les grandes régions de production de cidre, mais j’ai aussi dégusté des échantillons du Val de Loire, de la Maine, de l’Orne et du pays d’Othe, près de Troyes. Il n’y avait pas de cidre basque dans cette série, mais voilà une autre région de production qui a son importance historique. Il existe deux AOP pour le cidre (Pays d’Auge et Cornouaille) et d’autres zones ont demandé ce statut, dont le Cotentin. J’étais frappé par la disparité dans les couleurs des cidres que j’ai dégusté. Très peu étaient pâles, avec des tons ambrés dominants. Pas mal de nuances brunes montraient un effet d’oxydation prononcé. Et il y avait un cidre rosé fait avec une variété de pommes à chair rose. D’autres cidres rosés existent, mais sont teintés artificiellement pour attraper la vague de la mode rose.

    2013-10-11 11.36.27 HDRune idée de la gamme des couleurs du cidre

    Voici mes cidres et poirés préférés, issus de cette dégustation à l’aveugle. Le producteur vedette des cidres haut de gamme, l’ancien sommelier Eric Bordelet, était absent de cette dégustation et je n’ai pas pu estimer ses produits contre les autres. Les étiquettes, avec quelques rares exceptions, sont d’une mocheté rare, dans le genre ringard et rustique. Peut-être ne faudrait-il pas s’étonner que le prix moyen de ces produits, parfois d’excellente qualité, n’arrivent pas à grimper un peu.

    2013-10-11 11.40.24 HDRet voici une des très rares étiquettes esthétiquement acceptable

    Poiré Fournier (departement 61)

    Robe d’un or intense. Très aromatique et clairement issu de la poire. Une attaque douce, puis surette, pour finir presque sec. C’est délicat et très désaltérant.

    Poiré Leroyer (Domfrontais)

    Robe assez pâle, d’un vieil or. Nez fin mais moins expressif que le précédent. Le palais est bien acidulé mais fine de texture, avec un côté tranchant qui rappelle la pomme verte. Sec en apparence (ceci est parfois trompeur car un poiré ou cidre « brut » peut contenir jusqu’à 28 grams de sucre), il m’a semblé très adapté à un usage à table avec des fruits de mer, de la volaille ou des viandes blanches.

    Cidre Ferme du Pressoir (Val de Loire)

    Robe d’un or orangé. Parfumé dans la gamme florale, la sucrosité de ce cidre demi-sec ne s’aperçoit qu’un finale, donnant un produit bien équilibré et agréable.

    Cidre Théo Capelle (Cotentin)

    Or brillant, relativement pâle. Nez peu agréable, proche de l’urine (!). Mais en bouche c’est une toute autre affaire avec une dominance de l’amertume qui est la plus marquée de la série. On y sent bien la peau de la pomme et cela semble très sec. Un style à part qui doit bien convenir aux fruits de mer ou à un côte de porc.

    Cidre de Tradition Cambremer (Pays d’Auge) 

    Couleur ambré. Assez rond avec une très belle richesse dans ses saveurs. Facile d’accès et très complet.

    Cidre de Cru Bellot (Pays d’Othe)

    Nez très vif qui semble porté par une forte volatilité. Mais cela porte ses arômes et le rend très dynamique et savoureux.

    Cidre Dujardin Doux (je n’ai pas noté son origine)

    Or ambré. De très jolies saveurs, alertes et vives malgré la sucrosité qui est parfaitement intégrée. Une belle association entre amertume et acidité donnant un cidre très fin et gourmand.

    Cidre Ecusson rosé

    Rosé moyen/pâle. Voilà une curiosité qui semble avoir été patenté par cette marque qui serait propriétaire d’une variété de pommes roses (situation étrange et peu défendable, il me semble, comme pour les cépages). Nez de paille humide. Surette en goût, avec une belle fraîcheur et une excellent équilibre.

    Cidre blanc Val de Rance (doux)

    Or profond. Belle vivacité, équilibré par une pointe de sucre. Un joli cidre allègre et très digeste.

    2013-10-11 11.41.09 HDRet voici ce qu’on trouve plus souvent en matière d’étiquette…et ce n’était pas le pire !

    Voilà. Que cela vous ouvre l’appetit et les horizons…

    David

     

    sources blog de DAVID 

    https://les5duvin.wordpress.com/2013/10/14/decouvrons-le-cidre/

     

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